jeudi 10 janvier 2013
"Les jeunes expliqués aux vieux" (Interview France Info)
Voici le podcast de mon second passage sur France Info.
Chronique "Tout comprendre" animée par Pascal Leguern :
http://www.franceinfo.fr/education-jeunesse/tout-comprendre/les-jeunes-expliques-aux-vieux-799695-2013-01-10
Chronique "Tout comprendre" animée par Pascal Leguern :
http://www.franceinfo.fr/education-jeunesse/tout-comprendre/les-jeunes-expliques-aux-vieux-799695-2013-01-10
"Le jeune, cet inconnu" (Interview France Info)
Voici le podcast de mon interview sur France Info autour de mon livre.
Chronique "Sans préjugé" animée par Sandrine Chesnel :
http://www.franceinfo.fr/societe/sans-prejuges/le-jeune-cet-inconnu-840577-2012-12-22
Chronique "Sans préjugé" animée par Sandrine Chesnel :
http://www.franceinfo.fr/societe/sans-prejuges/le-jeune-cet-inconnu-840577-2012-12-22
mardi 11 décembre 2012
Heureux comme vieux en France
« En France, 23 % des jeunes sont pauvres » titrait hier Le Monde[1]. « … et 50 % des seniors sont riches » aurait pu ajouter le journal du soir[2]. Que signifie aujourd’hui être jeune ? Appartenir à une certaine tranche d’âge ? Présenter un certain état d’esprit ? Non, être jeune en France aujourd’hui, c’est appartenir à une position sociale : celle des « sans place fixe » (SPF).
« On ne sait pas à quel âge commence la
vieillesse comme on ne sait pas où commence la richesse » notait l’économiste
italien Vilfredo Pareto. Et la jeunesse, comment la définir ?
La
jeunesse comme entre-deux-âges
On la définit généralement par des tranches
d’âges. Celles-ci varient toutefois avec le temps : il fallait par exemple
avoir moins de 26 ans dans les années 1990 pour faire partie des jeunes RPR,
moins de 35 ans aux débuts des années 2000 pour appartenir aux Jeunes Populaires
(les jeunes de l’UMP) et l’âge limite est de 29 ans désormais ! En outre,
les tranches d’âge sont subjectives. D’après une étude de l’Apec, les juniors
considèrent qu’on reste un jeune cadre jusqu’à 32 ans ; pour les seniors, c’est
jusqu’à 46 ans !
La
jeunesse comme état d’esprit
La jeunesse est également décrite comme
un état d’esprit. La jeunesse n’est pas une période de la vie, mais un effet de
la volonté, déclarait le général Mac Arthur : « Jeune est celui qui
s’étonne et s’émerveille. » Les essayistes François Bégaudeau et Joy
Sorman prolongent cette approche dans leur ouvrage Parce que ça nous plaît (Larousse, 2010). Pour eux, la jeunesse
consiste à partager un ensemble de valeurs et de pratiques : faire la fête,
être dans l’excès, ne pas faire attention à ce qu’on mange, etc. Autrement dit,
soit on a la « jeune attitude », soit on ne l’a pas. Pour mériter
l’appellation d’origine contrôlée de « vrai » jeune, il faudrait donc
respecter certains principes comme ne jamais regarder la météo avant de sortir,
ne pas appeler la police quand les voisins font du bruit ou encore faire la
fermeture des bars. Question : quelle est l’autorité de surveillance qui
décernera ce label ?
La
jeunesse comme l’absence de place fixe
Du fait de la montée des inégalités
intergénérationnelles, une troisième définition de la jeunesse est en train
d’apparaître. Être jeune en France en 2012, c’est appartenir à une drôle de
position sociale : celle des relégués économiquement, des marginalisés
politiquement et des méprisés culturellement. Bref, c’est faire partie des « sans
place fixe » (SPF).
Curieusement, c’est Sartre qui en parle
le mieux. Il suffit de relire ses Réflexions
sur la question juive (qui datent de 1946) et de remplacer le mot
« juif » par « jeune. Cela donne ceci :
Le jeune,
aujourd’hui, c’est celui que la société ne cherche pas à intégrer. Les
jeunes sont nos boucs-émissaires préférés pour expliquer les maux de la société
et localiser en eux tout le mal de l’univers. Tout ce que font les jeunes se
retourne contre eux. Si les jeunes n’existaient pas, la société les inventerait !
Car mépriser les vertus de la jeunesse est facile ! Traiter les jeunes comme
des êtres inférieurs, n’est-ce pas une façon commode de rehausser par contraste
notre image ? Pour les dévaloriser autant, il faut croire qu’ils nous font
bien peur et que nous manquons terriblement de confiance en nous ! Être
anti-jeune en un mot, c’est la peur devant la condition humaine.
C’est nous qui
avons fait naître le problème des jeunes, c’est nous qui les poussons à se
penser jeunes et à vouloir rester entre eux, c’est nous qui les contraignons à
rester jeunes malgré eux. Ce n’est donc pas la culture jeune qu’il faut
supprimer, mais la pensée anti-jeune. Or être anti-jeune n’est pas une opinion
isolée mais un choix global de société. Cette pensée ne saurait exister dans
une société sereine, ouverte et ayant une vision positive de son avenir. Dans
une société confiante en elle-même, la marginalisation de la jeunesse n’aura
plus aucune raison d’être. Notre société sera injuste tant qu’un jeune se
sentira mal accueilli par ses aînés.
Alors que le jeunisme imprègne notre
société, comment expliquer cette mise à l’écart de ceux n’ont besoin ni de
crèmes ni de chirurgie plastique pour être jeunes ? Et pourquoi tant de
clichés sur la « génération Y » ? Tout simplement parce que
déconsidérer la jeunesse est une stratégie de distinction des adultes face à
l’arrivée de jeunes concurrents, aussi bien sur le marché du travail que sur le
marché matrimonial. Pour marquer leur territoire, les animaux urinent ;
les êtres humains propagent des clichés !
Pour justifier les inégalités
intergénérationnelles et la faible place laissée aux nouvelles générations, il
n’y a rien de mieux en effet que les poncifs : les jeunes sont excessifs, instables,
démotivés, etc. On retrouve le bon vieux principe « Qui veut noyer
son chien l’accuse d’avoir la rage ! » La relégation des plus jeunes est
ainsi légitimée par leur comportement délétère mis en avant par les médias à
partir de quelques cas extrêmes.
Bref, de même que c’est l’antisémite qui
fait le juif selon Sartre, c’est la société qui fait le jeune à travers
l’absence de place qu’elle lui laisse. Dès lors, comment s’étonner que jeunesse
rime avec tristesse et retraite avec fête ? C’est entre 60 et 70 ans que
les Français se déclarent les plus satisfaits de leur existence. Notre pays est
d’ailleurs celui où l’écart de satisfaction entre les jeunes et les seniors est
le plus élevé, si l’on en croit une enquête de la Fondation pour l’innovation
politique[3].
Un proverbe yiddish disait
« Heureux comme Dieu en France ». On peut désormais le remplacer par
« Heureux comme vieux en France » !
NB : cette tribune est également parue sur le site Slate.fr
mardi 27 novembre 2012
Faut-il boycotter la "journée nationale des jeunes" ?
Vendredi 30 décembre
aura lieu en France la seconde « journée nationale des jeunes » sous
le patronage du conseil économique, social et environnemental. Une journée à ne
pas confondre avec les journées mondiales de la jeunesse qui sont non seulement
internationales pour leur part (comme leur nom l’indique), mais aussi et
surtout organisées par l’Eglise catholique.
Encore une journée à
thème ? allez-vous soupirer. Eh oui ! Après les femmes, les aveugles,
les toilettes et le cancer, les jeunes ont droit eux aussi à une journée à
eux ! Chouette ! Mais était-ce bien nécessaire ?
Il y a tout d’abord un
côté humiliant à bénéficier d’une « Journée ». Cela signifie qu’on
est du côté des loosers. Parce qu’une Journée sert à mettre en
visibilité et à parler une fois par an de ce dont on ne parle jamais
habituellement. Il ne viendrait par exemple à l’esprit de personne de créer la
Journée du football car le foot est présent sept jours sur sept dans les
médias.
Ensuite, pourquoi une
seule journée pour les jeunes ? Est-ce à dire que les 364 autres jours de
l’année sont des journées pour les « vieux » ? Organiser une
telle journée revient à dire le peu de cas que l’on accorde à un sujet.
Par ailleurs, il est
cocasse que cette Journée soit patronnée par le conseil économique, social et
environnemental quand on sait qu’il comprend essentiellement des seniors en son
sein. Est-ce une façon de redorer son image et de se donner bonne
conscience à moindre frais ? D’ailleurs, dans le colloque « oser
ensemble » que cette institution accueille le jour J, les jeunes sont
traités comme un sujet parmi d’autres, au milieu de considérations sur les
minorités visibles et le handicap. C’est un colloque 3 en 1 !
Enfin, ce type de
journée est traditionnellement monté pour pointer du doigt un fléau (le racisme
par exemple), un problème (la journée sans voiture ou sans télé montrent que
ces objets sont devenus des addictions) ou bien encore un mal à guérir (le
cancer de la prostate, la leucémie…). Faut-il alors considérer la jeunesse
comme une maladie? Certains ne sont pas loin de le penser. Laurence Parisot, la
patronne du Medef, estimait au moment des manifestations contre le CPE que
« la jeunesse est une maladie dont on guérit vite ». Les expressions
populaire « Il faut bien que jeunesse se passe ! », « C’est le
métier qui rentre ! » ou encore « Passe ton bac
d’abord ! » vont d’ailleurs dans ce sens. Heureusement, la jeunesse
n’est pas une maladie incurable puisque le vieillissement finit un jour ou
l’autre par nous gagner !
Bref, les raisons de boycotter cette journée
nationale des jeunes ne manquent pas. Toutefois, on peut aussi y voir un moindre
mal. Mieux vaut une Journée qu’aucune. Dans un espace médiatique saturé, ce
genre d’action permet de gagner en visibilité pour devenir les « rois d’un
jour » selon l’expression de Patrick Modiano dans Villa triste.
Autrement dit, on peut choisir de voir la bouteille à moitié pleine plutôt qu’à
moitié vide et se féliciter des actions mises en place. Des entreprises ouvrent
leurs portes, des rencontres sont organisées, des conférences sont proposées…
C’est mieux que rien.
lundi 22 octobre 2012
Analyse de l'enquête Cegos 2012 sur les jeunes et le travail
La Cegos diffuse demain, mardi 23 octobre, les résultats de son enquête sur le rapport au travail des jeunes de 20 à 30 ans. Il y a deux façons de lire cette étude.
La première
consiste à y chercher confirmation des clichés répandus sur la génération Y qui ne voudrait pas travailler, serait démotivée, etc. On
notera alors que les jeunes Français placent la famille et les amis en tête de
leurs priorités, contrairement aux jeunes Européens qui mettent le travail en
seconde position.
On qualifiera ensuite cette génération de volage ou de
zapping car un tiers des interrogés compte changer d’entreprise d’ici trois ans
même si leur employeur répond à leurs attentes d’évolution. Les jeunes seront
aussi taxés de cupidité car plus de 80% d’entre eux considèrent en premier lieu
le travail comme un moyen de gagner de l’argent.
Enfin, l’importance qu’ils accordent à la stabilité de l’emploi
et à leur vie personnelle renforcera les critiques envers cette
« génération 35 heures » qui rêve de devenir fonctionnaire en se
souciant plus de ses RTT que de son engagement au travail.
Une autre lecture de l’enquête est toutefois possible. Tout
d’abord, sans surprise, les jeunes sont les premiers touchés par la crise
économique. Ils sont désormais plus nombreux à faire leurs premiers pas sur le
marché du travail avec un CDD qu’avec un CDI. Par conséquent, il n’est guère
surprenant que la stabilité de l’emploi devienne leur premier critère de choix
et que le secteur public les attire. Le même phénomène fut observé au moment de
la crise de 1993 : la fonction publique intéressait alors la moitié des
jeunes diplômés contre seulement 10% quelques mois plus tôt !
Au-delà du chômage qui touche particulièrement les moins de
trente ans, c’est la morosité ambiante qui abîme la vision que les nouvelles
générations peuvent avoir du travail. Dans un pays gagné par le pessimisme,
comment s’étonner que seuls 22% des jeunes Français aimeraient créer une
entreprise à la sortie de leurs études contre 35% en Grande-Bretagne ?
Plus grave encore, l’accent mis par la jeunesse sur
l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ne doit pas manquer de
nous interroger sur les conditions de travail offertes aujourd’hui. L’impératif
du travail en urgence à réaliser par de moins en moins de salariés afin de
réaliser les sacro-saints gains de productivité attendus offre une image du
monde professionnel guère séduisante. Dès lors, on peut comprendre que la
famille, les amis et la vie personnelle servent en partie de refuge. Manager
rime désormais plus avec stress, burn-out et charge de travail harassante
qu’avec réalisation de soi. C’est sans doute pour cela que moins d’un cinquième
des jeunes interrogés déclarent vouloir devenir manager.
In fine, c’est moins un désamour pour le travail ou une
paresse généralisée que l’on peut observer qu’une prise de distance avec le
fonctionnement actuel du monde du travail. L’exigence d’emplois de qualité et
de qualité de vie au travail que portent les jeunes Français mérite d’être
entendue afin que, la médiatisation autour des suicides et des risques
psychosociaux passée, on ne revienne pas au « business as usual ». Mettre le plaisir et la santé de côté du
fait de la conjoncture actuelle reviendrait à faire de l’épanouissement au
travail une utopie. Dans ce cas, la crise économique ne ferait pas que détruire
des emplois, elle détruirait également le goût du travail.
dimanche 21 octobre 2012
La guerre des générations n'aura pas lieu (suite et fin)
Pourquoi est-il impropre de parler de guerre des générations
?
Parce que le conflit n'est qu'une des relations possibles
entre jeunes et moins jeunes. Les inégalités ne débouchent pas nécessairement
sur des tensions. Mais aussi pour trois autres raisons.
Une faible conscience
collective
Pourquoi les jeunes acceptent-ils leur sort sans
broncher ? Tout d’abord parce qu’ils ont une faible conscience collective
de la situation. Disposer de références et de valeurs communes ne nous suffit
pas à développer un sentiment d’appartenance. La « génération Y »
regroupe des personnes de statuts différents (étudiants, actifs, chômeurs…) qui
ne cherchent pas à s’ériger en groupe d’intérêt. Faute de conscience et d’organisation
politique, chacun met en place des stratégies individuelles pour s’en sortir.
Le jeune héritier ne partage pas les mêmes attentes et ne dispose pas des mêmes
ressources que le jeune roturier. Il existe même une concurrence
intragénérationnelle comme en témoigne la course aux diplômes à laquelle se
livrent les classes moyennes et aisées.
Un faible rapport de
force
En outre, les mobilisations collectives de la jeunesse sont
des mouvements de rejet contre des réformes, jamais contre les générations
précédentes ni contre les dettes qu’elles leur lèguent. La réalité n’est donc
pas celle d’une guerre générationnelle, mais d’une paix entre les générations :
une Pax Romana, selon la formule de Louis Chauvel, c’est-à-dire la paix imposée
par le plus fort.
Ce rapport de force est d’autant plus faible que les jeunes
sont régulièrement dénigrés. Les clichés pullulent pour dire comme ils seraient
démotivés, peu engagés, pas prêts à travailler… Ces préjugés servent à
légitimer une domination préexistante.
Les solidarités
intergénérationnelles
Les jeunes n’ont enfin aucun intérêt à se révolter car ils
bénéficient du soutien de leurs aînés dans le cadre familial. La solidarité
familiale est financière, mais pas seulement : les parents aident à se
loger, à bricoler, à trouver du travail, à garder le moral, à effectuer des
démarches administratives, fiscales ou bancaires, à assurer des tâches
ménagères et domestiques, à garder les petits-enfants, etc.
Cette solidarité est d’ailleurs en partie réciproque puisque
la solidarité est aussi ascendante : bricolage, réconfort, aide
informatique, courses… À l’aune de ces échanges, le risque de conflit
intergénérationnel est largement surévalué ! Il y a moins de lutte que de
coopération intergénérationnelle.
lundi 15 octobre 2012
La guerre des générations n'aura pas lieu (2)
Pourquoi la guerre des générations n’aura pas lieu ? Parce que la guerre n’est qu’un des phénomènes possibles. Lorsque deux cultures, deux peuples ou deux groupes se rencontrent sur un même territoire, qu’en résulte-t-il ? Quand on pense à la cohabitation entre différents âges, que ce soit au sein d’une entreprise ou de la société en général, on pense tout d’abord aux tensions qui peuvent en découler. Pourtant, à côté du conflit, plusieurs cas sont possibles :
-
L’assimilation : Les nouveaux arrivants
sont appelés à se fondre dans la culture dominante. Ils doivent montrer patte
blanche pour être acceptés comme membres à part entière de la communauté.
-
La séparation : Les deux
cultures coexistent mais ne se mélangent pas, à l’instar du communautarisme. Il
existe par exemple aux États-Unis des ghettos de vieux qui ne daignent pas
cohabiter avec des habitants plus jeunes.
- La ségrégation : Le groupe
dominant dénigre les nouveaux arrivants et les laisse en marge de la société.
- L’intégration : Les deux groupes
se mélangent, si bien que la culture dominante évolue pour s’imprégner de certains
traits apportés par les nouveaux arrivants.
-
L’invasion : La culture des
nouveaux arrivants prend le pas sur la culture dominante.
- Le conflit : Les deux groupes
sont en tension et quelques étincelles peuvent conduire à un affrontement.
Quel
est le point commun entre les conflits de générations et les antibiotiques ?
Ils ne sont pas automatiques ! Souvent annoncées, les guerres civiles
intergénérationnelles sont pourtant rares dans l’histoire de l’humanité, pour
ne pas dire inexistantes. Pourquoi les conflits sont-ils les exceptions qui
confirment la règle ? Pourquoi l’intégration est-elle la norme, malgré les
discours alarmistes entendus ici et là dans les médias ?
Tout simplement parce que l’on confond inégalités
intergénérationnelles et conflit intergénérationnel. L’existence d’inégalités
ne suffit pas à créer l’embrasement. La fracture sociale ne débouche pas
nécessairement sur le conflit frontal. L’idée de « grève
générationnelle » lancée par Mario Monti, avant de devenir président de la
république italienne, n’a jamais pris par exemple.
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